Son travail qui se situe au croisement de la performance, des arts visuels et numériques, cherche à explorer les limites de la perception. Les outils technologiques que l’artiste se donne sont alors des moyens pour démultiplier les sensations; des façons de débouter le réel tangible, de lui faire perdre pied et d’aller de l’autre côté de l’enveloppe des choses et du corps. Sa curiosité envers le corps humain le pousse à des études sur l’extension de soi. Le désir d’amener un côté humain et charnel avec la technologie offre des explorations qui donneront naissance à des projets centralisés sur le corps et ses possibilités.

Nous vous présentons ici quelques oeuvres de Stéphane Gladyszewski qui témoignent de son travail sur le corps et le numérique.

Vertébré – 2002 (sculpture)

Vertébré est née de l’intérêt de Gladyszewski pour le fonctionnement de la moelle épinière, son articulation et celle du mouvement ondulatoire. Voulant créer une queue, ou une extension de la colonne vertébrale avec laquelle se déplacer, il débutait par l’examen minutieux de la physiologie du cou de l’autruche, enrichi de l’étude des nœuds marins. Au centre de la colonne, le latex en est tissé de telle sorte que la tension est constante d’une extrémité à l’autre. Tenue en main, la colonne s’étend d’elle-même à l’horizontale. Vertébré est vite devenue un objet qui accompagnait Gladyszewki dans l’élaboration de ses chorégraphies pour Aura et Corps noir.

AB OVO – 2002 (installation/sculpture)

Ab Ovo présente le dernier segment d’une série d’explorations inspirées de l’asclépiade de Syrie, une plante plus communément appelée «herbe à la ouate».

Dès qu’il pénètre dans l’espace, le public est invité à déclencher le cycle d’un follicule recueilli sous le lourd couvercle d’acier d’une chambre de réfrigération (Pôle). Il peut ensuite le déposer dans l’incubateur, une cavité en bois qui réchauffe les follicules pour les faire éclore et exposer leurs graines. Le spectateur peut ensuite se promener dans le vaste espace rempli de semences et de nuages de filaments de soie. Une réflexion sur la métamorphose, la maturation, et le caractère éphémère de la vie; de l’échange de chaleur jusqu’à notre naissance ou renaissance au moment de «sortir de notre coquille».

 

CORPS NOIR – 2008 (chorégraphie)

En 2008, il conçoit un système de projection «vidéo thermique» offrant de nouvelles stratégies de diffusion de l’image vidéo, qu’il met à contribution dans le projet Corps noir. Pour cette œuvre, l’artiste choisit d’en devenir la matière même, de s’exposer et de produire un autoportrait éclaté, fondé sur les constructions fantasmatiques de la psyché.

Corps noir est une immersion brute et intense dans l’intime. Une mise en scène du corps dans un délire d’accessoires et d’objets, de textures diverses, de matières sonores, d’images et de voix, comme autant de métaphores identitaires relayées par une technologie de pointe qui autorise les superpositions, les enchâssements, les fusions. Dans cette œuvre Stéphane Gladyszewski décide d’en devenir la matière même en créant un autoportrait éclaté basé sur la complexité d’une identité étoilée et les constructions phantasmatiques de la psyché.

TÊTE À TÊTE – 2012 (Installation/performance)

Tête-à-tête est une œuvre expérientielle à mi-chemin entre le théâtre d’objet, l’installation optique et le conte existentiel. Pour vivre l’expérience, le spectateur doit insérer son visage à l’intérieur d’un masque incrusté dans un pan de mur. Il s’agit en fait du visage de l’artiste (et de l’interprète) à travers lequel il regarde comme par le trou d’une serrure. C’est en confondant son regard à celui de l’interprète que le spectateur observe la mise en scène d’un homme et de diverses matières organiques (tison, feu, feuille de riz, masque de plâtre, pomme) se déployer devant soi.

Muni d’un casque d’écoute couplé à un système de son ambiant, le spectateur baigne dans un univers sonore immersif où la voix d’un jeune garçon lui souffle les mots du poète Octavio Paz, «deux corps face à face […]». Selon les principes de l’anamorphose, l’unique point de vue offert au voyeur permet à l’artiste de travailler la lumière et la perspective de ces tableaux vivants en trompe l’œil parfait. Un éclairage soigneusement calibré et des éléments optiques de haute précision mettent le spectateur face à son propre reflet holographique.