L’utilisation des technologies numériques 

Selon Isabelle Van Grimde

Ces dernières années, j’ai tourné ma pratique chorégraphique vers l’interaction entre la danse et les technologies numériques. Cela correspondait à mon appétit pour la transdisciplinarité, le dialogue avec les scientifiques, ingénieurs et concepteurs de différentes disciplines. Ça correspondait surtout avec mes recherches sur le corps, et particulièrement le « corps du futur », inévitablement en lien avec le numérique. On est souvent tentés de renoncer à ces technologies par manque d’accès, de ressources et de connaissances alors qu’elles nous fascinent par leur complexité et leur caractère presque magique. 

J’aime voir le numérique comme un véritable médium de composition chorégraphique qui enrichit les manières de voir la danse et de la créer, et qui permet de diversifier les manières dont on peut mettre en scène le corps et les relations entre les êtres. Les technologies permettent de défaire les limites temporelles et spatiales et de réinventer celles de l’image du corps. En cela elles sont de formidables outils en recherche et en création : repousser les contraintes physiques, donner accès à d’autres dimensions du temps et de l’espace, transformer la relation entre l’oeuvre et le spectateur… Elles ont un potentiel poétique et métaphorique inouï, et qui demeure insoupçonné si on ne s’essaie pas à les utiliser. 

Mais créer avec le numérique impose aussi ses propres contraintes. Les outils technologiques apposent leur propre rythme sur la création d’une pièce : le temps de programmation, le besoin d’être dans un théâtre pour pouvoir véritablement calibrer les technologies à l’espace, les temps de montage et de démontage qui prennent beaucoup plus de place dans la logistique, le transport des dispositifs technologiques, etc… Tout ceci en plus de l’aspect onéreux des technologies, de la complexité des outils, du fait que l’on se sent totalement analphabètes, bien souvent, dès qu’on essaie de discuter avec ces machines (et leurs concepteurs !). Mais l’expérience dans l’usage des technologies numériques donne de l’air. On apprend à organiser différemment le temps de la création, à morceler davantage le processus, à monter des laboratoires de recherche avec les technologies, à collaborer avec les concepteurs, à documenter les essais et erreurs et apprendre d’eux. Autant de choses qui permettent de voir sa pratique sous un jour nouveau, de la renouveler, de l’interroger.

Pour tenter l’expérience de l’intégration des nouvelles technologies à sa pratique, il faut donc y aller par étapes. Tout d’abord, se familiariser avec l’univers du numérique, se renseigner sur les outils, les possibilités, ce qui se fait. Ensuite, expérimenter les outils qui peuvent nous intéresser. C’est là l’étape la plus délicate, car elle nécessite des ressources matérielles et humaines qui peuvent être importantes. C’est à partir de ce constat que j’ai mis en place le projet des Pépinières Danse et numérique. Je les vois comme un espace d’exploration entre danse et technologies numériques, conçu pour que les artistes aient l’opportunité de faire l’expérience de ces nouveaux outils et modes de création. À travers les premiers exposés, elles proposent un espace de discussion entre pairs pour mieux comprendre l’espace du numérique, et a fortiori ce qu’il amène et exige dans un processus de création. On va partir de la pratique concrète d’artistes et concepteurs pour se faire une tête sur ce qu’on appelle le numérique, tenter de le définir, et – qui sait ? – se donner le goût de l’expérimenter. 

Comment l’utiliser?

Différentes approches de la technologie dans l’art vivant 

L’utilisation du numérique dans sa démarche artistique peut sembler contre-intuitive pour les artisans de la scène. Il est pourtant intéressant d’apprivoiser cette nouvelle forme de création afin d’ouvrir une porte vers un monde de nouvelles possibilités. En apprenant à interagir avec la technologie comme si elle était un autre danseur, il est possible de rendre son utilisation plus organique, loin de toute froideur ou aseptisation. Une certaine sensibilité à la technologie sera de mise afin d’interagir avec la machine, de même qu’une flexibilité puisque la gestion des imprévus fait partie intégrante de ce travail. La technologie nécessite aussi de développer une adaptabilité à travailler plusieurs médiums à la fois : le son, l’image et le corps.

Lexique numérique

Mieux comprendre des termes pratiques 

Génératif vs. Interactif : Génératif = contenu généré avec l’ordinateur (sans lien avec ce qu’il se passe en temps réel dans l’environnement.) Interactif = on peut interagir avec. Va réagir avec ce qu’il se passe dans l’environnement (on doit lui donner un input, ex. du tracking, de l’audio pour avoir une réaction, un bouton à appuyer sur le stage. etc.).

Le design technique : Trouver les bonnes solutions au niveau du design, des façons de faire pour travailler ensemble. 

Tracking : suivre la position d’un objet ou d’une personne. Plusieurs types de techniques. Tracking actif = avec sensor (on doit posséder un capteur, mais + précis). Tracking passif = sans sensor (n’importe qui peut entrer dans la play zone et ça va fonctionner).

Timecode : référence de temps utilisée pour la synchronisation des contenus audiovisuels (ex. pour synchroniser son et images).

Réalité augmentée vs réalité virtuelle : la réalité virtuelle plonge l’utilisateur dans un environnement virtuel 3D (faire vivre l’expérience, vs regarder un écran d’ordi). La réalité augmentée ajoute des éléments virtuels à un environnement réel (ex. des éléments 3D apparaissent dans l’environnement qu’on voit à travers un écran de téléphone).

Motion capture : Capture de mouvement. Permet d’enregistrer les mouvements d’objets ou de personnes, et de les retranscrire en 3D (on peut ensuite les contrôler, ex. avec un avatar ou un modèle 3D).

Kinect : Dispositif électronique qui permet  de contrôler une interface numérique sans manette. Créée par Microsoft pour accompagner la XBox, la Kinect peut être utilisée seule pour ses fonctions de détection de mouvements et de reconnaissance vocale dans l’environnement.

Affordance : Quand la fonction ou l’utilisation d’un objet/élément/bouton/interface  est évidente sans instructions nécessaires (ex. à travers le design ou l’ergonomie d’une interface).  Il va y avoir une interaction naturelle entre l’objet et l’utilisateur.